Sentinelle

La Méditerranée est l’une des sentinelles du monde. Non pas qu’elle en éclaire à elle seule le passé et l’avenir, aussi incomparable soit sa lumière. Mais ce qui arrive en Méditerranée, ce qui advient entre ses rives, se produit souvent plus tôt qu’ailleurs, dans un tempo annonciateur de la tempête à venir ou d’éclaircies collectives.
Les experts du GIEC expliquent qu’il existe des régions particulières qui subissent plus nettement le réchauffement climatique. Ils les appellent «sentinelles», car on y constate des événements météorologiques s’écartant fortement des fluctuations naturelles du climat. La Méditerranée est l’une de ces régions, au même titre que les régions arctiques. Cette notion de « sentinelle » ne peut-elle pas être élargie à d’autres domaines, à commencer par les enjeux démocratiques, qui ne sont pas sans croiser les questions climatiques? Du «berceau de la démocratie» au laboratoire de certaines formes de populisme, en passant par le délitement des Printemps arabes, les dynamiques politiques du pourtour méditerranéen invitent à penser l’avenir des droits et libertés, des agendas réactionnaires et sécuritaires, à l’aune du pouvoir citoyen. Considérer la Méditerranée comme une sentinelle, c’est porter attention à ses signaux faibles comme aux événements qui la secouent, et penser – si ce n’est prévoir – les moyens de s’engager dans «la traversée des catastrophes».