Prendre langue, traduire
Table ronde animée par Chloé Leprince, journaliste à France Culture
Considérant que les langues sont dépositaires d’histoires, de cultures et d’identités, l’Unesco s’alarme régulièrement de la disparition de certaines d’entre elles à travers le monde. Si les langues ne sont pas de simples outils de communication, que nous dit la traduction ?
Celle-ci nous parle de relation qui, bien sûr, peut être asymétrique. Le sociologue Abram de Swaan a décrit ce « marché linguistique » qui distingue les langues périphériques des langues centrales, jusqu’à la langue « hypercentrale ». Cette hiérarchisation est aussi celle de visions du monde portées ou imposées au fil de l’histoire des empires, des conquêtes, des guerres territoriales ou culturelles. La traduction peut être domination, et donc également résistance. Sans ignorer cette réalité, peut-on envisager avec le philosophe Souleymane Bachir Diagne que « la tâche du traducteur, de son éthique et de sa poétique est de créer de la réciprocité, de la rencontre dans une humanité commune » ? Car il s’agit bien d’un travail de lien et de friction avec les marges, les interprétations et les frontières. Le trait d’union du singulier et de l’universel.
Alors que le mythe de la tour de Babel a fait de la diversité linguistique un châtiment, le pluriel des langues est aujourd’hui un trésor à préserver. Que perdons-nous à ne plus avoir besoin de comprendre une langue pour la traduire ? Les langues peuvent-elles se parler à travers l’intelligence artificielle ? Contre le repli et la fragmentation, les Nouvelles Rencontres d’Averroès célèbrent la traduction comme relation.
Entrée libre, réservation conseillée