Quelles libertés face au sacré ?
Peut-on tout dire, tout écrire ou dessiner ? Le sacré est ce qui, par rapport au profane, inspire une forme de respect, d’attention, de réserve même. « L’homme prend connaissance du sacré par ce que celui-ci se manifeste, se montre comme quelque chose de tout à fait différent du profane », observe Mircea Eliade qui souligne que « Pour l’homme religieux, l’espace n’est pas homogène ; il présente des ruptures, des cassures […] ». Il existe ainsi une « opposition entre l’espace sacré, le seul qui soit réel, qui existe réellement, et tout le reste, l’étendue informe qui l’entoure. »
Quelle que soit l’ampleur de la sécularisation et de ce que le sociologue Max Weber a appelé le « désenchantement du monde », le sacré n’a pas disparu de nos sociétés, comme par enchantement… Il est là et entre parfois en collision avec l’expérience ultime de la liberté pour qui il ne saurait exister d’outrage, de sacrilège ou de blasphème. La crise, et même le combat, autour des caricatures du prophète de l’islam sont dans tous les esprits. Ce sont des révélateurs des passions collectives que peuvent mobiliser les relations entre sacré et profane.
Quelles libertés ? Jusqu’où peut-on aller ? Faut-il accepter des limites ? Qui peut les tracer ?
La question du sacré ne concerne pas seulement l’islam ou les religions du Livre, elle touche aux fondements, qu’ils soient constitutionnels, historiques ou mémoriels de sociétés qui se voient ou se pensent comme pleinement sécularisées. Quelle expérience ou exercice des libertés dans ces conditions ? Peut-on relativiser ce à quoi l’on tient et qui ne « nous » laisse pas indifférent ? « Liberté pour l’histoire », clament certains historiens alors que d’autres appellent au respect des mémoires blessées… Liberté pour l’art et les artistes, face aux règles établies et aux conventions installées, mais jusqu’où ? Quel équilibre trouver entre la libre critique, pour les uns, et l’injure ou le blasphème, pour les autres ?